Le vendredi 20 mars 2020.
Une semaine s’est écoulée depuis l’annonce des mesures préventives du gouvernement Legault pour combattre le COVID-19. Si je vous demande de penser à ce que vous faisiez le jeudi 12 mars dernier et surtout, dans quel état mental vous vous trouviez, il y a de bonnes chances que vous constatiez à quel point cette date vous paraît lointaine. Elle vous paraît peut-être même « dans une autre vie ». Il est possible aussi que vous constatiez que le décalage est grand entre cet état de stabilité dans lequel vous étiez et l’état de stress que vous ressentez ou vivez actuellement. Ce décalage illustre à quel point ces mesures préventives sont arrivées, pour la plupart d’entre nous, comme un choc aux allures parfois même traumatiques. Ce terme « traumatique » ne signifie pas ici que les mesures mises en place sont dommageables ou problématiques, bien au contraire. Il s'agit plutôt de leur survenue surprenante et soudaine (plusieurs d’entre nous n'étions pas au fait de l'ampleur de la situation reliée au COVID-19 à l'étranger) ainsi que des changements drastiques et rapides qu'elles entrainent sur nos habitudes de vie et notre sentiment de sécurité, qui ont des effets non-négligeables au plan de notre bien-être physique et psychologique. Bien que nous soyons tous et toutes affecté.e.s émotionnellement à une intensité variable par ce qui se passe, je n’ai encore rencontré personne, de mes clients ou de mon entourage, qui soit détaché de la situation cette semaine… J’ai donc préparé un petit guide de « normalisation» des réactions émotionnelles face au stress que nous traversons, dans lequel je vous propose quelques actions qui peuvent nous aider, au plan psychologique, à traverser cette crise sanitaire.
« C’est surréel ce qui se passe »
Cette phrase est certainement l’une de celles que j’ai le plus entendues cette semaine. Presque toutes mes rencontres ont débuté par une variante de cette idée. Certains ont mentionné qu’ils avaient l’impression d’être dans un film de science-fiction ou dans un livre historique, ou encore qu’ils avaient une impression de fin du monde. Cette impression bien normale peut s’expliquer par le fait que pour plusieurs d’entre nous, les parties du cerveau responsables de la réponse au stress sont activées (c’est une réponse adaptative normale et nécessaire), mais les capacités d’intégration aux plans de la conscience et de la réflexion, qui permettent la régulation émotionnelle, ne suivent pas le même rythme. S’en suit alors une impression, bien réelle, de décalage. Comme les mesures gouvernementales mises en place pour protéger la population risquent de perdurer et que cette situation de stress risque de se prolonger, nous nous adapterons progressivement de manière plus efficace et soutenue à cette réalité et cette impression de décalage risque de diminuer. L’être humain a heureusement la capacité de s’habituer et de s’organiser face à un contexte d’adversité. Depuis que l’être humain vit sur terre, ce dernier a été confronté à de nombreuses épreuves, que ce soit la peste, le choléra, la grippe espagnole, la famine, les nombreuses guerres, etc. Pour chacune de ces adversités, l’Humain s’est adapté, s’est relevé plus fort, grandi et transformé. Nous avons trouvé à chaque fois une façon de rassembler nos forces et de nous organiser afin de traverser les situations éprouvantes. Ces épreuves nous ont rapprochés – nous ont permis d’être davantage connectés et ont souvent permis de nous ramener à l’essentiel.
« Combien de temps est-ce que ça va durer? »
Beaucoup d’experts le répètent, l’incertitude est un, sinon le plus grand, facteur de stress. Nous faisons face actuellement à beaucoup d’incertitude sur la durée de la crise et sur les scénarios imaginés et mis en place pour y faire face. Lors d’un point de presse en début de semaine, le premier ministre Legault nous a indiqué clairement que le gouvernement est en train de penser et de préparer les différents scénarios possibles. Le plus catastrophique nous amène à des mesures qui tiendraient jusqu’au mois de septembre, au pire décembre. Ces propos ont vite fait de semer un vent de panique. Certains médias ont récupéré la nouvelle pour en faire des titres qui tenaient en forte probabilité ce scénario. Or, le premier ministre a été clair : il y a plusieurs scénarios possibles quant à l’évolution et la durée de la crise et le gouvernement s’y prépare. Cela ne veut pas dire que nous nous trouvons actuellement dans le scénario le plus catastrophique.
L’une des façons qui peuvent aider certains d’entre nous à faire face à l’incertitude actuelle sur la durée de la crise est de nous en tenir au scénario présent et connu, avec les informations dont on dispose, et d’y aller « par fenêtre » ou « parenthèses » dans le temps, sans trop d’anticipation. Une part d’anticipation peut nous être utile à la planification de nos actions, mais trop d’anticipation peut contribuer à nourrir inutilement notre anxiété. En ce moment, nous sommes confinés à la maison, restreints, et le but de ces mesures est d’aplanir la courbe de transmission (voir l’article du Washington Post à ce sujet : https://www.washingtonpost.com/graphics/2020/world/corona-simulator/).
Voilà notre objectif collectif qui demande des efforts à tous. Plus nous collaborerons et contribuerons à cet objectif, plus nous nous donnons la chance que la crise dure moins longtemps. Ainsi, nous pouvons nous donner ce plan pour cette semaine et la semaine prochaine (jusqu’au 27 mars tel qu’annoncé par les mesures du gouvernement). Viendront ensuite les prochaines directives du gouvernement, selon le résultat de nos efforts et l’évaluation qui est faite quotidiennement de la situation. Il est donc inutile de spéculer sur les mois d’avril, de mai, de juin, etc. Concentrons constructivement nos efforts présents, demeurons prudents dans nos actions (ce n’est effectivement pas le temps de débourser les coûts d’un voyage d’été par exemple) et gardons-nous de nous emporter dans toutes sortes de scénarios plausibles, mais incertains actuellement. Si, plutôt que d’être dans une anticipation paniquante, nous sommes vigilants et prévoyants, nous pourrons rebondir plus rapidement le temps venu, pour nous adapter aux différents contextes auxquels nous ferons face.
Faire attention à nos pensées anxiogènes et à nos mécanismes de défense/protection
Il est humain, en situation de déséquilibre, de nous sentir angoissé et de voir se pointer différentes pensées plus ou moins constructives pour faire face à l’adversité. C’est le cas des pensées anxiogènes de type catastrophique (« je vais mourir, on va tous mourir » par exemple). Des pensées de ce genre, aussi humaines qu’elles puissent être, agissent comme une pollution mentale qui embrouille notre esprit, nourrit nos peurs et peut même nous paralyser. Ces pensées sont toutefois le signe que nous avons besoin de réassurance, de réconfort et de rétablir notre sentiment de sécurité dans la situation qui nous fait peur. Ainsi, si vous reconnaissez ce type de pensées et ressentez beaucoup d’anxiété et d’angoisse, il est important de ne pas rester seul.e., de trouver quelqu’un à qui en parler qui puisse vous écouter de manière sensible et empathique de façon à vous aider à faire la part des choses.
Par ailleurs, de façon plus subtile, nos mécanismes de protection, d’adaptation et de défense sont à l’œuvre également pour nous protéger de ressentir des inconforts, ce qui est généralement tout à fait adapté à la situation et nous aide à y faire face. Or, certains mécanismes que nous employons peuvent certes nous protéger, mais peuvent mettre les autres à risque, ou parfois les faire souffrir. C’est le cas de mécanismes de défense comme le déni, la distanciation, la banalisation, etc. La théorie du complot, vous connaissez? Dans leurs formes les plus massives, ces mécanismes deviennent plus visibles, mais il se trouve que tout un chacun peut parfois les utiliser de manière plus ou moins consciente, sournoise, et ils peuvent nous empêcher de poser des actions adaptées pour rétablir notre bien-être et notre réel équilibre.
Rappelons alors ce que les spécialistes du stress nous enseignent : vivre un certain niveau d’anxiété dans cette situation de crise est normal et même nécessaire – puisque l’anxiété nous permet également un éveil, elle mobilise notre corps et notre esprit pour nous envoyer un message d’alerte face à une situation nouvelle et inconnue. L’anxiété est même un atout essentiel pour l’humain, puisqu’elle permet de s’adapter aux dangers de l’environnement. On pourrait donc la voir comme un levier positif à l’évolution humaine. Ainsi, lorsque l’anxiété est vécue à un niveau modéré, elle permet dans l’adversité de réévaluer nos priorités, d’accroître notre créativité et de même raffiner nos réflexes afin d’être plus efficace dans les tâches.
Donc, si vous vous sentez angoissé, très anxieux, si vous sentez que vos émotions sont en “montagnes russes” ou “font le yoyo”, que votre esprit s’embrouille, que vous êtes incapable de vous concentrer ou de fonctionner, n’hésitez pas à aller chercher de l’aide ! À l’inverse, si vous ne vous sentez pas interpellé par ce qui se passe, que vous vous trouvez distant (ou que les gens vous le font remarquer), non impliqué dans cette période de crise, n’hésitez pas également à chercher de l’aide ! Notre clinique offre différents services et soins adaptés, dont la psychothérapie et, à partir du lundi 23 mars, un service d’intervention de soutien psychologique de crise à distance (par téléphone ou en visioconférence, par exemple via Skype, FaceTime, Zoom) est offert. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne en consultant notre site, www.consciens.com. Vous y trouverez également une liste de ressources pertinentes de toutes sortes en ces temps de crise.
Bon courage et... restez connectés !
Marie Noël, M.Ps.
psychologue clinicienne et directrice clinique chez Cōnsciēns Centre de santé psychologique
Collaboration:
Virginie Arpin, Ph.D., psychologue clinicienne
Texte révisé par:
Virginie Arpin, Ph.D., psychologue clinicienne
Camille Girard, doctorante en psychologie
Marilyne Thériault, Ph.D., Psy.D., psychologue clinicienne
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